L'histoire de la plateforme de Saint-Rémy

Le centre a été créé par Joseph Thoret alias « Thoret Mont-Blanc » dans les années vingt (1920) pour y implanter son École des Remous destinée à apprendre aux pilotes d’avion à maîtriser leurs appareils dans les rabattants. Il emmenait toujours un passager avec lui qu’il ramenait systématiquement à l’infirmerie pour un mal de l’air et angoisse… Il a toujours été considéré comme un « dingue » mais c’était un pionnier : il a traversé les Alpes au départ de Chambéry avec plusieurs passagers, qu’il a posé (verdâtres) en Italie en ne se servant que des ascendances (hélice calée !) dans le massif du Mont-Blanc et cela à plusieurs reprises. Toutefois, il n’avait aucune considération envers les vélivoles, ces « gaspilleurs de mistral » avec leurs frêles et légères machines…

Après la seconde guerre mondiale, cette vocation pédagogique initiale « avion » a été abandonnée au profit d’une utilisation du site pour réaliser des records de durée en planeur. La chaîne des Alpilles, orientée Est/Ouest, perpendiculaire à l’écoulement du mistral, constitue un lieu particulièrement favorable à ce type d’activité. Le premier record eu lieu tout de suite après la guerre avec Dehocq-Soumille sur C25S et la durée du vol ne devait pas dépasser 10 ou 12 heures, par la suite la liste des records devint très impressionnante.

Présentation et récit imagé du déroulement des records de durée  :

Joseph thoret, créateur du centre des Alpilles

Raconté par G.Risbourg, fervent membre de l'aéroclub des Alpilles depuis 1960, sa création

Ayant connu Joseph Thoret, son épouse et son petit fils, et surtout l’ayant écouté lorsqu’il venait passer un moment à Romanin dans les années 60, je me permets d’ajouter quelques anecdotes sur l’homme qu’était devenu Joseph Thoret à cette époque.

Tout d’abord il vivait dans une ancienne carrière romaine à 100 mètres à l’ouest du mas la Pyramide à Saint-Rémy-de-Provence. Il m’avait fait visiter sa demeure un soir alors qu’il remontait chez lui à pied et qu’il faisait nuit, je lui avais proposé de l’accompagner car il avait des difficultés pour marcher. Parvenu sur un petit parking au-dessus de sa maison dans la nuit des Alpilles en novembre, il me demanda de me garer et de venir visiter son lieu de résidence. Pour regagner cette maison dans le noir absolu, il me recommanda de laisser mes phares allumés. En effet un sentier très abrupt permettait de descendre dans l’ancienne carrière en faisant très attention de ne pas tomber. Il était passé devant moi pour me guider et je le vois encore écarter un crane humain suspendu à la branche d’un arbuste qui se balançait dans le mistral et tout cela dans une atmosphère pour le moins étrange… Surpris, je lui demandais pourquoi ce crane ? Sa réponse : « C’est pour interdire aux fumeurs de venir me voir ». Puis parvenu – non sans mal – à l’entrée de sa maison taillée dans le calcaire des Alpilles nous pénétrâmes dans une première pièce éclairée quand même par EDF.

Je m’attendais à voir plutôt des bougies. Étaient exposés dans cette pièce des huiles réalisées par lui un peu curieuses et au sol à droite, comme à gauche, environ un tapis de cinquante centimètres de bouquins et revues à même le sol sur toute la surface de la pièce – empilés et traitant, si mes souvenirs sont bons, de l’aviation et probablement de ses exploits. Et cela dans différentes langues car il parlait l’italien et l’allemand. Bref, mes phares étant restés allumés, j’ai plutôt tenté de réduire la durée de cette visite inopinée chez Thoret et remontant le sentier tout seul dans le noir j’ai donc veillé à ne pas me cogner la tête contre le « crane anti-tabac », puis je suis rentré à mon domicile de Maussane.

Dernier point : Thoret était un homme engagé et le faisait savoir. Je me souviens le voir déambuler dans les rues de Saint-Rémy-de-Provence avec un panneau derrière et devant lui – tel l’homme sandwich – et cela avant toutes élections. Tout cela parce qu’il n’était pas un supporter du Général de Gaulle. Concernant le vol à voile je pense qu’à cette époque il avait reconsidéré le vol à voile car pour lui un record de durée ne pouvait se concevoir qu’avec des avions lourds de deux tonnes minimum pour faire face aux remous et non avec nos « frêles machines » les planeurs.

Plus de détails concernant Joseph Thoret sur l'article de "pilote de montagne" en cliquant sur l'image

Les records

  • Janvier 1948 Marcelle Choisnet : 19h50 sur Meise

  • Novembre 1948 Marcelle Choisnet : 37h07 sur Air 100

  • Mars 1949 Guy Marchand : 40h51 sur Nord 2000

  • Novembre 1951 Choisnet-Mazelier : 28h51 sur CM7

  • Février 1952 Carraz-Branswyck : 53h00 sur CM7

  • Avril 1952, Charles Atger : 56h15 sur Air 100

  • Décembre 1953/Janvier 1954 Lebeau-Fronteau : 56h11 sur CM7

  • Janvier 1954, Garbarino-Mathé : 38h11 sur CM7

  • Avril 1954, Couston-Dauvin : 57h10 sur Kranich III

  • Noël 1954, disparition de Bertrand Dauvin au cours de la tentative pour battre le record de Charles Atger… Fin des records qui furent ensuite interdits.

En mémoire de Dauvin, une rue de Saint-Rémy porte son nom.

Rétrospectivement, ces records étaient davantage une mesure de la résistance humaine à la fatigue qu’une véritable performance de vol à voile. Cette époque des records créait un climat propice à l’enthousiasme collectif avec mobilisation générale pour que tout se déroule le mieux possible. Lors de ces records, par exemple, une équipe était chargée, dans le froid de l’hiver provençal, de surveiller les feux rouges et verts du planeur qui longeait la pente des heures durant entre l’extrémité Est du terrain et le plateau de la Caume situé à l’Ouest du terrain.

Travail ingrat certes pour ceux restés au sol, mais présence tellement réconfortante pour ceux qui volaient. Quelques années passèrent après l’arrêt des records puis l’actuel aéroclub de « Saint-Rémy-les-Alpilles » fut créé par Marius Chauvet en 1963 pour utiliser la pente de façon conventionnelle.

Si vous souhaitez en apprendre encore plus sur l’histoire de la plateforme (photos et autres détails), vous pouvez vous rendre sur le lien suivant :